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Le blog de petits-pas-de-fourmi

Un conte

9 Avril 2024 , Rédigé par petits-pas-de-fourmi

Dans une tour bien gardée vivait une princesse. C’était une belle jeune fille aux cheveux couleur du soleil et au regard profond comme les lacs ; ses qualités de cœur étaient tout aussi belles. Son père, le vieux roi était d’une possession maladive et grotesque. Il l’avait enfermée craignant que sa beauté et ses charmes ne séduisent l’un des prétendants qui rodaient alentour. Il ne voulait pas perdre sa fille adorée.

Belle donc était prisonnière dans cette tour. Rien ne lui manquait et pourtant elle se morfondait derrière les hauts murs.

Un beau matin au réveil, Belle trouva à ses côtés un œuf déposé là par sa marraine la fée Angèle. Angèle veillait sur elle depuis la mort de sa maman. Pour adoucir la captivité de sa protégée, pour enchanter ses journées, elle avait trouvé cet habile stratagème. Angèle expliqua à Belle le sens de ce présent : l’œuf lui était confié pour la journée. À elle d’en prendre soin et de voir ce qu’il lui apportait, de s’en inspirer.

Au début les œufs n’avaient pas des teintes bien gaies. Ils étaient souvent noirs ou gris, reflétant soit son infinie tristesse soit son énorme colère de se savoir enfermée à vie. Petit à petit, son humeur changea et les œufs prirent de magnifiques teintes. Elle se mit à sourire dès le matin, se demandant ce que la vie lui réservait. Comme par magie, elle voyait la coquille s’animer, refléter des scènes inspirantes, lui proposer toutes sortes d’activités. Ainsi il y avait des journées studieuses, des journées de jeu et de danse, de musique, de jardinage ou de couture, de rêveries et de paresse aussi. Les œufs sombres se firent plus rares. Son imagination sans limites faisait d’elle la créatrice de sa vie, elle se sentait libre et vivante. Lorsque son père la visitait, il était surpris de la voir si épanouie et ses craintes augmentèrent. Il renforça la garde autour des murailles.

Le jour de ses dix-huit ans, elle reçut un œuf plus gros que les autres. Quel ne fut pas son étonnement, dès qu’elle le prit dans ses mains, de sentir des mouvements à l’intérieur, de voir la coquille se craqueler, se fissurer puis s’ouvrir pour laisser apparaître le plus magnifique des oiseaux. L’oiseau déploya des ailes immenses dont les couleurs chatoyaient de mille feux.

- Oh oiseau, comme tu es beau !

- Et l’oiseau se mit à parler : Bonjour Belle, je suis le cadeau d’anniversaire de ta marraine Angèle. Je suis ta liberté !

Il déploya des ailes majestueuses invitant Belle à monter. Avec enthousiasme elle s’installa sur le dos du volatile.

Il s’éleva peu à peu dans les airs, doucement, précautionneusement, et elle put voir de haut les pommiers et les lilas, les papillons et les abeilles dans les buissons fleuris. Il décrivit des cercles de plus en plus grands et Belle goûta l’espace, la caresse du vent sur sa peau. Ses yeux n’étaient plus habitués à se porter sur l’infini. Cette découverte lui donnait le vertige elle demanda à l’oiseau de se poser. Délicatement, il atterrit.

Belle descendit et s’assit sur un banc du jardin, l’oiseau à ses côtés. Après un long moment de silence l’oiseau parla : « Mon nom est Évasion. Tu peux me demander de te porter où tu voudras ». Belle laissa passer un long moment avant de répondre. Elle se voyait enfin courir le monde, fréquenter des jeunes de son âge, avoir des amis qu’elle aurait choisis. C’était tentant.

Mais elle était d’une autre étoffe. Prendre la fuite ne lui convenait pas. Longtemps elle réfléchit et la lune brillait déjà dans le ciel lorsqu’elle demanda à l’oiseau de la porter chez son père.

L’histoire ne dit pas si celui-ci fut plus fâché que surpris. Effrayé pour sûr, mais Belle ne lui laissa pas le temps de réagir.

« Père, dit-elle, vous m’aimez tant, je le sens au plus profond de mon cœur. Je sais aussi que vous portez en vous la douleur de la mort de maman comme une blessure qui ne guérit pas. Vous ne pouvez pas supporter une autre séparation du seul être aimé.  Cela je l’ai compris depuis longtemps.

Pour mon anniversaire, donnez-moi une preuve d’amour encore plus grande : je vous demande toute votre confiance.

Je ne pourrai pas être heureuse si vous m’empêchez de vivre ma vie et vous le savez. Vous pensez que vous me perdrez si vous me laissez ma liberté. Doutez-vous tant de mon amour ? Ne savez-vous pas que rien ne nous séparera jamais ? Accordez-moi la liberté de vivre comme je le souhaite, faites confiance à l’amour que je vous porte, vous n’aurez pas à le regretter. »

Et sans lui laisser le temps de réagir, elle enfourcha l’oiseau et quitta les lieux pour retourner dans sa tour.

Le lendemain au réveil il n’y avait pas d’œuf. Mais l’oiseau était toujours là. Belle entendit des coups sourds derrière la muraille. S’élevant dans les airs, elle vit une cohorte d’ouvriers qui faisaient tomber les remparts à grands coups de bélier. Elle respira profondément et sourit. Elle avait gagné sa liberté. Elle n’avait pas fui. Mais son immense bonheur était d’avoir pris la mesure de l’amour de son père.

 

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C
Conte merveilleux, conte initiatique. J'aime
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